Plusieurs facteurs conditionnent, d’une manière ou d’une autre, la place des technologies de l’information et de la communication dans les systèmes scolaires. Parmi ces facteurs, la formation des enseignants et les pratiques en classe jouent un rôle prépondérant pour l’intégration des TIC dans les systèmes scolaires. Toute l’histoire des technologies éducatives montre que l’émergence des instruments nouveaux dont l’usage s’inscrit dans les pratiques scolaires ne conduit pas de manière inéluctable à l’émergence des pédagogies innovantes en classe. Un cadre scolaire riche en technologies informatiques n’engendre pas en soi un environnement pédagogique propice au développement des compétences des élèves. Ce sont surtout les recherches en didactique des disciplines qui montrent que l’intégration des technologies conduit à des situations didactiques adéquates favorisant, par la suite, le développement des compétences.
Dans un contexte technologique en pleine mutation, la question de la formation des enseignants en TICE revient à nouveau à l’ordre du jour : comment préparer les futurs enseignants ? Que faire avec les enseignants en place pour qu’ils intègrent les TICE dans leurs pratiques quotidiennes ? Quels modèles de formation initiale et de formation continue ? Comment concevoir des curricula de formation et quels types de certification proposer ? Quels rapports entre les formations et les pratiques effectives en classe ?
Des modèles théoriques, parmi lesquels le modèle TPACK (Technological and Pedagogical Content Knowledge), sont proposés pour décrire des programmes de formation des enseignants favorisant les compétences professionnelles adéquates. Parfois, ces modèles peuvent être également utilisés pour décrire les pratiques effectives en classe ou pour expliquer les lacunes des efforts concernant l’intégration pédagogique des TIC à large échelle.
Ce numéro de Frantice s’insère dans la problématique exposée dans les paragraphes précédents et en même temps s’inscrit pleinement dans sa lignée éditoriale qui se veut une tribune internationale notamment celle des jeunes chercheurs, sur l’usage des TIC dans tous contextes éducatifs au Nord comme au Sud. Nous avons reçu une vingtaine de textes venus de l’Europe (France, Italie, Belgique, Grèce), de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Ouest. La plupart de ces textes ont fait écho à l’appel de ce numéro couvrant plusieurs des axes présentés plus haut. De cette offre, le comité de sélection en a retenu huit, et on peut en tirer plusieurs éléments par rapport à l’état de la recherche actuelle dans le domaine francophone concernant les enseignants et les TICE. Néanmoins, une constatation pourrait être formulée : le pluralisme des approches théoriques et méthodologiques, et la diversité. Diversité de pratiques, diversité de formation, diversité d’usages.
Expliquons-nous avec un peu plus de détails.
Trois articles s’occupent directement des pratiques enseignantes. L’article d’Emmanuel Beche étudie, à l’aide d’une analyse des entrevues, l’innovation technologique dans les pratiques enseignantes au Cameroun. Dans ce contexte, l’innovation s’intègre davantage dans la recherche documentaire et la préparation des cours tandis que les autres tâches technopédagogiques semblent minoritaires. Des résultats similaires apparaissent dans le texte d’Omar El Ouidadi, Abdellatif Lakdim, Khadija Essafi, Khalid Sendide et Éric Depiereux qui nous proposent une étude concernant les usages que font les enseignants marocains des TICE, ainsi que les facteurs déterminants ces usages. Seule une minorité de répondants semble intégrer les TICE dans la pratique de la classe. Eftychia Damaskou nous propose une étude dont l’objectif est d’étudier comment les enseignants de FLE (français langue étrangère) exploitent les TIC dans la conception du matériel didactique. Ici, les approches des enseignants sont très diversifiées.
Trois articles s’inscrivent dans la problématique d’usage des plateformes d’enseignement et des technologies Web 2.0 dans la formation des enseignants. Le texte de Béatrice Savarieau et d’Hervé Daguet s’occupe de l’introduction de « classes virtuelles » synchrones dans un dispositif de formation hybride de niveau master aux « Métiers de la formation ». Leur étude montre que l’usage de « classes virtuelles » synchrones peut être complémentaire des temps de regroupements présentiels et favoriser un accompagnement de qualité pour les étudiants lointains. David Lehéricey étudie les interactions en ligne en tant qu’outils d’autoformation des enseignants débutants en stage. De cette étude en sortent quelques informations importantes telles que le caractère non institutionnel du réseau social d’autoformation et les formes particulières d’interaction qui s’y produisent.
L’étude d’Hasnae Mouzouri essaye de vérifier si la FOAD (Formation Ouverte et À distance) peut influencer les croyances des enseignants marocains relatives au changement de leurs pratiques pédagogiques tout en montrant que ce genre de formations, lorsqu’elles sont bien mises en place, sied particulièrement aux nouvelles exigences de formation.
Enfin, Catherine Renoult étudie les facteurs qui influent sur l’intégration des TICE dans les modalités pédagogiques d’un public spécifique, celui des formateurs travaillant en Ateliers de Pédagogie Personnalisée en France. Les résultats montrent de grandes divergences entre les formateurs dues à des raisons techniques, pédagogiques, identitaires et institutionnelles. L’auteure nous parle de représentations sur les TICE et les relations humaines en formation chez des formateurs pour adultes de bas niveau.
La diversité des approches dans les articles de cette livraison nous montre, s’il en est encore besoin, qu’on ne peut penser l’intégration des TIC dans les pratiques d’éducation et de formation sans prendre en compte leurs contextes d’accueil, matériels et humains.