L’appel à contribution de ce numéro 8 de la revue frantice.net s’est focalisé sur l’intégration des TICE dans les pratiques d’enseignement et de formation. Cette thématique ne peut plus être considérée comme nouvelle tant des productions scientifiques sur cette problématique sont assez fournies.
Cependant ce numéro garde tout son intérêt dans la mesure où les TICE sont en constante évolution et sous des formes diverses : des technologies naissent, sont utilisées pendant un moment, puis sont abandonnées ou moins utilisées au profit de nouvelles, etc. Ainsi les technologies de transition reprendraient les principes de fonctionnement, et les schèmes d’utilisation des anciennes et les technologies de rupture seraient celles qui renonceraient aux anciennes pour des nouvelles jugées plus en phase avec les pratiques et les attentes pédagogiques du moment. La constante évolution des technologies informatisées place la recherche dans une « sorte de course poursuite » dont personne ne semble pouvoir prédire l’issue.
Cette évolution permanente des TICE rend du même coup difficile un processus de compréhension et d’analyse des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, justifiant ainsi la nécessité des recherches sur les expérimentations en cours dans des contextes instrumentaux en évolution. Il s’agit donc d’un défi permanent que la recherche doit s’efforcer de relever. C’est dans ce sens que les articles reçus dans ce numéro 8 de frantice.net constituent une contribution réelle à l’analyse des pratiques pédagogiques aussi bien dans les contextes des pays du Sud que du Nord. Pour ce numéro, nous avons reçu 14 propositions d’articles et en avons retenu 7, dont 5 comme articles de recherches et 2 comme contribution à la dimension Ressources, instruments et ouverture.
Dans leur contribution, Julia Ndibnu-Messina Ethé et Gérard Will Nya Nouatcha parviennent à dresser une typologie des usages des TIC par les enseignants en formation initiale de l’École Normale supérieure de l’université de Yaoundé au Cameroun à partir d’une méthodologie de recherche alliant l’approche quantitative et qualitative. La caractérisation des typologies d’usage qu’ils mettent en évidence dans ce contexte particulier renvoie à la recherche d’information, la communication et la collaboration, la production de document et la conception d’outils TIC d’autoapprentissage et d’aide à la décision. Au-delà de cette typologie, l’article permet de comprendre grâce aux représentations des élèves- enseignants, les obstacles et défis à relever par l’institution et plus généralement l’État pour accompagner et faciliter l’intégration des TIC dans les pratiques pédagogiques.
L’article d’Hervé Daguet et Béatrice Verquin Savarieau examine à partir du cadre spécifique du campus numérique FORSE, le processus d’usage et d’acceptation du dispositif des classes virtuelles synchrones du point de vue des enseignants. L’analyse des représentations que les enseignants ont des pratiques d’échanges instantanés avec les apprenants dans le contexte des formations de L3 et M1 montre que l’adoption de ce dispositif ne va pas de soi et nécessite non seulement une prise en compte préalable des modalités de son intégration, mais aussi de repenser les interactions entre enseignants et étudiants.
Les deux contributions suivantes ont en commun d’avoir le Maroc comme terrain d’expérimentation. Celle de Hanaa Ait Kaikai aborde la question de l’appropriation des TICE par les étudiants marocains. Sur la base qu’une enquête quantitative assez conséquente, mais dans une perspective exploratoire, l’auteur mène une analyse détaillée sur les comportements d’usage des TICE par les étudiants marocains. Les résultats attestent d’une appropriation limitée de ces outils par les étudiants, et ce malgré les efforts substantiels fournis par l’État marocain.
Si le terrain d’étude de la contribution de l’auteur précédent concerne les universités du Maroc, l’article proposé par Mohammed Mastafi s’attache à analyser les obstacles de l’intégration des TICE dans le système éducatif marocain du primaire et du secondaire. Son approche méthodologique est fondée sur des entretiens d’un échantillon de 33 personnes. Cet échantillon assez représentatif, puisqu’il y figure des interviewés responsables des établissements (publics et privés) du primaire, du collège et du lycée tout aussi bien du milieu urbain que rural. L’analyse du discours de ces acteurs le conduit à l’identification de cinq obstacles majeurs entravant l’intégration des TICE dans le système éducatif du pays.
La cinquième contribution de la catégorie des articles de recherche est fournie par Sandra Nogry. L’étude réalisée par l’auteure intervient quatre ans après l’introduction d’ordinateurs portables dans les pratiques d’enseignement-apprentissage d’une école primaire de Madagascar. La méthodologie de recueil d’information adoptée par l’auteur repose sur une observation réalisée pendant trois semaines lors de séances d’enseignement. Outre l’observation, l’auteure a réalisé des entretiens et des échanges informels avec les différents acteurs tels que le responsable du projet de développement, les enseignants et certains élèves. Les résultats montrent qu’évidemment, l’introduction de ces outils s’inscrit dans une continuité de travail, mais le fait nouveau constaté est que les élèves manifestent plus d’implication, plus de prise d’initiative dans leur processus d’apprentissage.
La rubrique RESSOURCES, INSTRUMENTS, OUVERTURE comporte trois textes dont le premier écrit par Hélène Papadoudi-Ros. Celui-ci rend compte d’un modèle d’explicitation des enjeux des TIC dans l’éducation. Partant d’une approche sociohistorique et sociotechnique, l’auteure analyse les fondements du concept de statut didactique des TIC en tant qu’outil méthodologique pour comprendre la complexité de la situation éducative en général.
La seconde contribution de cette rubrique est l’œuvre Aicha Abdel-Ouahed dans laquelle l’auteure nous livre une réflexion sur les enjeux de l’intégration des TICE dans l’apprentissage des langues vivantes et notamment le français dans les universités marocaines.
Enfin, pour terminer ce numéro nous proposons une note de lecture d’un ouvrage dirigé par J.-B. Lagrange, sorti chez Octares en 2013, « Les technologies numériques pour l’enseignement. Usages, dispositifs et genèses », et qui s’intéresse notamment aux dynamiques de prise en compte d’instruments numériques par les enseignants dans leurs pratiques de classe.
Incontestablement ce numéro aura pour particularité d’avoir offert un espace assez important à l’analyse et à une compréhension large du processus d’intégration des TICE dans le système éducatif marocain sans que cela ne soit prémédité. Cette partielle spécialisation du numéro n’occulte en rien la richesse des autres contributions dont nous espérons que vous en tirerez profit.